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- Par Kikoo-lol - Edition du : 25 August 2005 - Créé le : 22 August 2005
Créé le : 23/4/2003
Edition du : 26/7/2003
Auteur : Galan_Dracos

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CHAPITRE 1 : Retour à Khaz Modan.

 

Une petite vallée, péniblement encaissée entre deux escarpements rocheux…Sur les pentes des montagnes du sud de Khaz Modan, près de la frontière avec les terres des Blackrocks, quelques amas rocheux issus d’éboulis…Plus bas encore, un ruisseau qui ne mérite pas le nom de rivière, gris et parsemés d’éclats semblables à des fragments d’acier…Et, dans les flancs des couronnes de glace millénaires qui surplombent la terre des Nains, les squelettes pétrifiés de combattants, issus des guerres sans âges précédant la formation de l’Empire d’Arathor, qui deviendrait plus tard celui de Lordaeron. Cassant, gris et dur d’un côté, et cependant devenant plus blanc, froid, pur au fur et à mesure que l’on procédait vers son sommet, berceau des races naine mais également – peu d’érudits l’admettait – humaine : tel était le Modan.

Leur armure terne se fondant avec la grisaille oppressante de l’après-midi, un groupe de chevaliers se tenait à mi-chemin entre la ravine et le sommet du mont, guettant le plus infime mouvement. Gerdun de Vek, leur capitaine, ne put que s’étonner encore une fois de la parfaite immobilité de l’endroit : originaire des forêts du nord, issu d’une famille vivant à la frontière de Quel’Thalas, il s’était habitué dans son enfance à écouter le bruit du vent dans les feuillages, les craquements des brindilles dans les sous-bois…tout, sauf le silence qui caractérisait ces terres. Mais l’heure n’était pas à la nostalgie, les ordres venus directement de Stratholme étaient clairs : les Blackrocks avaient attaqué des villages humains du nord d’Azeroth – les survivants s’étaient réfugiés chez des seigneurs nains, avant de se diriger vers Strahnbard – et les frontières venaient d’être regarnies. Cependant, la mission de Gerdun était peut-être encore plus importante : il devait en effet se rendre ne plein cœur des terres ennemies, pour y retrouver le groupe d’espions – appelons les choses par leurs noms – qui était chargé d’enquêter sur les agissements des Blackrocks, et aussi sur l’exode des ogres qui, disaient certains, s’étaient alliés aux sauvages orcs. Bref, une intrigue politico-militaire – surtout militaire, songea Gerdun. Néanmoins, parmi les chevaliers destinés à observer les Blackrocks, se trouvait une jeune sorcière, et le Kirin Tor n’apprécierait que très, très modérément sa disparition. C’est là qu’intervient la politique. Et c’était là, aussi, qu’avaient été détachés une vingtaine de chevaliers expérimentés, qui avaient néanmoins ordre de ne pas trop s’avancer en terre Blackrock – de Vek avait été prévenu : eux, on ne viendrait pas les chercher.

Lorsqu’il s’engagea dans le défilé – il refusait d’appeler ce pauvre couloir une vallée – suivi de son lieutenant, un bon bougre un peu jeunot tout de même, ce fut avec circonspection. Le moindre petit caillou qui bouge et…éboulis. Le commandant de l’avant-poste sud, son ami Danlegh, le savait digne de confiance, et c’était pour ne pas trahir cette confiance qu’il restait attentif aux moindres détails, dût la vitesse de son avancée en pâtir.

« -Capitaine ! Au sud-est…des cavaliers.

-Vus. ». Ce lieutenant avait de bons yeux, en plus d’une tête solide. On en fera un officier.

« -Orcs ?

-Difficile à dire, lieutenant. Les orcs ont toujours eu l’habitude d’envoyer, en guise d’éclaireurs, des chevaucheurs de loups. Cependant, si les montures de ces…deux ou…non, deux inconnus sont des chevaux…

-Alors ce sont ceux que nous sommes venus chercher. ». Et l’esprit vif, en plus.  « -En tout cas ils portent des ramures, capitaine.

-Faites passer le mot, lieutenant : nous allons à leur rencontre. Si ce sont des orcs, nous devrons les réduire au silence pour toujours. ». Il n’osait formuler ses craintes : le fait qu’ils portent des armures faisaient de ces étrangers des hommes – si tant est qu’ils fussent humains – ce qui pouvait signifier le pire pour la sorcière du Kirin Tor. C’est donc avec angoisse que la colonne d’acier (bien peu) rutilant se dirigea vers l’éminence rocheuse qu’occupaient les deux êtres…pour s’apercevoir qu’il s’agissait d’humains – selon les critères humains du terme -  qui portaient eux aussi l’épée et l’armure : des chevaliers.

Gerdun de Vek  s’avança vers eux, en frappant légèrement son plastron de son gantelet, pour annoncer son arrivée. Levant la tête, il s'aperçut que leurs visages étaient fatigués, poussiéreux, et il s’empressa d’autant plus de les rejoindre. Si le premier semblait être un chevalier expérimenté – il avait sans doute plus de trente-cinq ans, et les multiples cicatrices qui marquaient son visage à la peau de cuir n’étaient sans doute pas dues à une vie paisible, loin des batailles. Le second était un peu plus petit – chose peu difficile au demeurant, ledit vétéran mesurant près de deux mètres de haut – et semblait beaucoup plus jeune : n’ayant pas dépassé les vingt ans, on l’identifiait clairement comme un apprenti chevalier. Gerdun cria, peut-être un peu plus fort qu’il n’aurait du :

« -Holà, Sire chevalier ! ». Le plus âgé salua d’un bref signe de la main, invitant de surcroît le capitaine à s’approcher plus.

« -Capitaine…Nous commencions à désespérer de recevoir de l’aide.

-Sire Kardan ? ».

L’autre secoua la tête.

« -Mon nom est Alron de Nyrhold, et mon jeune compagnon se nomme Valkut. J’accompagnais mon ami Kardan dans les terres du Sud, mais lui et une jeune sorcière qui nous accompagnais – Lysia, je crois – sont restés en Azeroth et chevauchent à présent vers New Stormwind. Capitaine, nous devons rentrer à Stratholme au plus vite. Ce que nous avons découvert passe l’imagination. Il ne s’agit plus de petites révoltes frontalières, telles que nous avions l’habitude de repousser. Les clans Blackrocks au grand complet se massent au sud de Khaz Modan, et les ogres les ont rejoints.

-Rejoints ?

-C’est tel que je vous le dit : il s’agit bel et bien d’une alliance entre deux de nos pires ennemis, et une simple expédition ne suffira pas à nous en défaire. Il y aura la guerre.

-Messire…Vous parlez en toute connaissance de cause ?

-Mettriez-vous en doute le témoignage de mes yeux ?

-Jamais je n’oserais, Messire.

-Tout le sud doit se préparer – nains et humains. Le dragon qui dormait depuis trente ans s’est finalement réveillé, et en ce moment même ses ailes se déploient pour prendre leur essor. D’ailleurs, une troupe d’éclaireurs est en ce moment à nos trousses pour nous réduire au silence, à une ou deux heures d’ici, et nos montures sont fourbues. Vous comprenez pourquoi j’étais si soulagé de voir mes frères d’arme.

-Une troupe d’éclaireurs ?

-Une ou deux cinquantaines d’orcs lourdement armés.

-Sire chevalier, je dois vous dire que je ne suis pas ici en exploration – j’ai en vérité reçu l’ordre de vous conduire, ainsi que vos amis, à la citadelle de Stratholme. Dame Lysia et Messire Kardan sont  - je l’espère – en sécurité à New Stormwind, mais nous ne pouvons risquer vos vies.

-Elles seront d ‘autant plus en danger si nous laissons les grunts nous courser ! Il faut à tout pris vaincre ces maudits espions ! Je suppose que les nains n’ont pas jugé bon de vous accorder leur aide ?

-Vous supposez bien, Messire. Nous somme livrés à nous-mêmes, aucune aide n’est à attendre d’Ironforge.

-Maudits vermine barbue ! » fit Alron, usant d’un langage très peu chevaleresque.  « -Le défilé dans lequel nous sommes est un passage obligé pour eux. En nous postant sur les flancs, nous pouvons les écraser de manière à ce qu’il n’en reste plus rien !

-Les parois du défilé sont instables », objecta Gerdun. « Si la roche cède sous le pas des chevaux nous risquons  fort d’adopter une apparence bien peu ragoûtante et que je ne souhaite à personne. Néanmoins…en nous dissimulant un peu plus loin – là et, voyons, ici » - il indiqua différentes plaques de cailloux semblant relativement solides – « nous pourrons leur tomber dessus sasn crier gare.

-Je pensais plutôt à l’origine de la faille ; comment dissimuler vingt-quatre hommes et chevaux caparaçonnés d’acier ?

-En restant immobile, Messire » fit fièrement de Vek. « -Une armée entière, si elle porte nos armures grises, peut être invisible dans ces roches pourvue qu’elle ne trahisse pas sa présence par des bruits ou des mouvements inopportuns.

-Faisons ainsi, Capitaine… ?

-De Vek, Messire. Gerdun de Vek, capitaine de la première escouade de la septième cohorte des Armées du Sud.

-Et bien, Capitaine de Vek, allons tailler de nouvelles bottes dans le poitrail des orcs ! ».

Ils se postèrent donc en haut de l’éminence, de part et d’autre du défilé, et attendirent sans un mot l’arrivée de l’ennemi barbare. La discipline est une belle chose, pensa Gerdun. Pas un bruit. C’est peut-être une des seules choses qui ne se soient pas dégradé avec le temps. C’est alors qu’arrivèrent les guerriers grunts, bardés d’acier et de cuir, fiers, sauvages et absolument inattentifs à ce qui se passait au-dessus de leurs têtes.

Ce fut bien évidemment un massacre. La puissance de la charge des chevaliers de la couronne, en armure complète et montés sur de gros chevaux, combinée avec le vitesse que leur accordait la pente, ne laissa aucune chance à la soixantaine de Blackrocks armés de trop courtes haches. Pas un n’en réchappa. Lorsque la bataille fut achevée, on ne dénombrait pas plus de quatre victimes parmi la troupe de Gerdun. Parmi elles, un jeune lieutenant qui avait offert tout ce qu’il avait pour protéger son pays. Il avait à peine vingt ans. Gerdun se tourna alors vers Valkut – pas plus vieux, et pourtant, lui avait encore moins le droit de mourir. Serrant les dents et se détournant des sombres défilés du destin comme de celui qui srait la tombe de tant d’orcs, le capitaine fit signe à la colonne de se remettre en marche vers le Septentrion.

 

CHAPITRE 2 : La Forêt d'Elwynn (1)

 

 

Le continent d’Azeroth est limité au Nord par les montagnes de Khaz Modan, dont le sud indique généralement la limite des terres de Lordaeron. Il est entouré à l’est, au sud et à l’ouest par deux océans difficilement navigables : l’Océan Ouest s’ouvre sur une côte de falaises et de roches impropres à la mise en place d’une quelconque navigation, et le Grand Océan est tout entier bouleversé par le Maëlstrom qui y fait rage. Au nord prend brutalement racine une longue chaîne de monts plus abrupts mais d’une altitude moindre que ceux de Khaz Modan, chaîne qui forme l’épine dorsale du continent et se poursuit jusqu’au Sud, où elle s’achève en un massif dit des « Monts Rouges »  qui occupe le quart sud-est du continent. La moitié septentrionale est une plaine au sol relativement pauvre – sauf au nord, où se trouvent quelques villages isolés et où ne pousse guère que la pomme de terre – et teinté d’une couleur noire parfois brunâtre, parfois de jais qui lui vaut le nom de « Lande Noire ». Sa limite sud est depuis des décennies la frontière entre les terres humaines et les Territoires Sauvages des Blackrocks, bien que la croissance de la population orc ait régulièrement repoussé au nord cette limite infranchissable. Le massif des Monts Rouges est néanmoins la principale zone d’habitation des Orcs, et l’on sait de source sûre que s’y sont établis les deux tribus principales, le Loup et la Lame (les autres sont : le Sang, l’Ombre, le Feu-Dragon. Cette dernière tribu serait en réalité constituée des descendants du clan disparu de Dragonmaw, mais ils sont assimilés aux Blackrocks.). Le nord de la lande est une terre de razzias, et à de nombreuses reprises les paysans de la régions furent enjoins de quitter ces lieux, pour New Stormwind ou Stromguarde, mais toujours ils refusèrent – du pain béni pour les Blackrocks. Au sud-ouest, sur des dizaines de lieues, s’étend la forêt d’Elwynn, dont les frondaisons sont parfois si touffues qu’il est impossible de s’y tailler seulement un chemin. Cependant, ses lisières sont tellement plus clairsemées – la densité des feuillages peut décupler sur une dizaine de mètres – qu’on a peine à croire que la main de l’homme n’y a jamais touché – du moins pour le bord externe : en effet, entre la côte est et la forêt d’Elwynn se dresse un plateau formé de collines vertes et hospitalières, traversées par le fleuve appelé Union par les humains. Sur ce plateau se dresse la Haute Cité de Stormwind, plus souvent appelée New Stormwind, rasée par les Orcs après les passage de la Porte des Ténèbres, les ténébreux sortilèges des chevaliers de la mort ayant réduit ses défenses à néant, et rebâtie encore plus belle et plus forte. C’est le seul centre de pouvoir humain du sud, et c’est également la plus grande ville au monde après la capitale de Lordaeron (appelée simplement « Lordaeron », le plus souvent), bien qu’elle rivalise pour ce titre avec la capitale orc de Durotar Cette cité-forteresse ne craint pas plus les Orcs Blackrocks que les raids de l’autre peuple sauvage qui habite l’extrême sud du continent : les Trolls. Sauvages, réunis en clans d’une centaine d’individus tout au plus, les Trolls habitent exclusivement la presqu’île du sud d’Azeroth, Stranglethorne. Vivant dans la jungle, soumis au pouvoir de leurs sorciers qui pratiquent des rituels vaudous s’apparentant à une religion – notre honorable membre Brann Bronzebeard ayant juré avoir vu de ses propres yeux de gigantesques temples en pierre - les Trolls dédaignent le pillage, leur lieu de vie leur fournissant tout ce qu’il désirent (il s’apparente aux jungles-marais que certains prétendent avoir été leurs territoires sur Draenor). Ces êtres à la peu bleue, plus sociables que leurs confrères de Quel’Thalas à la peau verte, ont même commercé d’aventure avec d’audacieux marchands de Stormwind à la recherche de colifichets d’or, de poisons ou de bois rare. De plus, la présence des templs mentionné ci-dessus ainsi que les très nombreuses armes en pierre de ces Trolls – toutes leurs pointes de flèches sont de pierre taillée – laisse supposer l’existence, à la pointe de la presqu’île, de vastes carrières de pierre.

 

 Société Géographique des Explorateurs Nains, Géographie et organisation politiques des continents « sauvages » d’Azeroth et Kalimdor.

 

« -Le Kirin Tor n’est donc pas soumis à l’autorité de la Couronne de Lordaeron ?

-En réalité, Messire, le Kirin Tor est à lui seul une autorité dominante, est n’est soumis qu’aux décisions que prend sa Grande Assemblée à Dalaran, bien qu’une alliance datant de la fondation de l’empire d’Arathor fasse de certains de ses membres des soldats.

-Des soldats ?   

-Sans les forces des mages, l’armée Lordaeronienne n’aurait jamais vaincu la puissance de la horde des orcs. », fit-elle d’un ton pincé et faussement supérieur. Cette discussion avait eu pour origine une remarque anodine de Kardan – qui ne cherchait qu’à engager la conversation, afin de briser un silence qui ne lui facilitait pas les choses – sur l’organisation politique des nations de l’empire de Lordaeron. Il avait alors du laisser malencontreusement échapper un mot qui devait être grotesquement stupide, puisqu’il lui avait valu – ô surprise ! – un éclat de rire. Cela concernait la nation de Gilneas, ou celle de Dalaran, il ne s’en souvenait plus, mais le fait est qu’il avait révélé son ignorance sur cet aspect du monde. Ainsi avait commencé son éducation politique, durant laquelle il avait découvert en sa compagne une jeune femme pourvue d’un humour très fin et d’une connaissance de l’agencement du monde actuel quasiment exhaustive. Ils devisaient ainsi, paisiblement, dans cette forêt que ne pénétraient pas les Blackrocks. Leur sujet de « dispute » actuel était la soumission ou l’indépendance du Kirin Tor par rapport à Lordaeron. Evidemment, il n’était pas facile pour le chevalier d’admettre que la vision qu’il avait du royaume qu’il servait depuis sept ans venait de se voir amputer d’une part significative, mais il devait se rendre à la justesse des arguments de Lysia.

« -La contrée de Dalaran est donc gouvernée par une assemblée ?

-C’est un peu plus complexe que cela. En réalité, l’Assemblée travaille pour les rois de Lordaeron, qui en échange laissent totale liberté aux Grands mages pour administrer une vaste portion de terres fertiles, et fournit une flotte pour défendre les côtes qui bordent la plaine de Dalaran. Les lois appliquées hors des murs du Kirin Tor – qui est, je vous le rappelle un bâtiment avant d’être une institution – sont celles du roi, ou du moins sont proches des directives en vigueur, mais leur exécution appartient à la Magocratie, et c’est également elle qui prend les décisions de justice.

-En fonction de la justice du roi ?

-Vous avez tout compris. De plus, les mages servent souvent d’émissaires auprès des elfes de Quel’Thalas, qui est également, somme toute, une Magocratie également. ».

Ces discussions leur permettaient d’oublier quelques instants leur mission, mais l’angoisse restait présente dans leurs esprits, particulièrement chez Kardan qui ne cessait de se demander ce qu’il advenait de Valkut et Alron. Les Blackrocks avaient pu remonter loin au nord, s’ils n’avaient pas envisagé d’attaquer New Stormwind, et qui sait si une de leurs patrouilles n’avait pas croisé les deux chevaliers ? Et quand bien même ils iraient à la haute Cité, quel bien en retirerait Lordaeron si les Orcs et les Ogres la dédaignaient ? en outre, rien n’indiquait qu’il leur serait prêté attention, ni que lord Stormwind leur accorderait audience : les humains d’Azeroth, appartenant à la nation quasi-disparue à présent d’Azeroth, accusaient depuis toujours leurs frères du nord d’avoir délibérément détourné l’attention de la Horde vers le sud, et leur peuple ne s’était pas remis de la quasi-disparition de la population mâle de l’autre côté de la Porte des Ténèbres, sous les ordres du Grand magicien Khadgar et du paladin Turalyon.

« -Arrêtez votre cheval. ». Le chuchotement impérieux de Lysia mit Kardan en alerte. Son destrier s’arrêta net – depuis leur entrée dans la forêt d’Elwynn, il était habitué à ces fréquentes haltes, qui avaient souvent pour but de faire mettre les cavaliers pied à terre, afin de guider les bêtes dans les fourrés.

« -J’ai envoyé une en direction de Stormwind – enfin, de ce que je crois être la cité. Il semblerait qu’une douzaine de créatures vaguement pensantes nous attendent à quelques fourrés d’ici, pas plus d’un quart d’heure de marche ne nous sépare d’eux.

-Vaguement pensantes ?

-Des chevaliers, sans doute. Non, je plaisante ! Peut-être des Orcs barbares, ou bien des humains de New Stormwind…pour le moins limités, intellectuellement parlant. En tout cas, nous ne devons pas prendre de risques. Restez calme, messire, je vais devoir opérer un petit…changement.

-Qu’allez-vous faire…Lysia ? ». Elle ne parut pas consciente de l’utilisation de son prénom.

« -Je vais nous rendre invisibles. C’est un sortilège relativement simple, l’inconvénient étant qu’il ne dissimule pas les mouvements et ne rend pas impalpable. De plus, sa durée n’excède pas les vingt minutes.

-Pourquoi ne pas tout simplement nous détourner du chemin ?

-Connaissez-vous la région, messire ? Non ? Alors il serait bienvenu de ne pas quitter la seule voie qui, jusqu’ici, semble mener à notre but. Ne bougez plus, à présent, et, de grâce ; restez silencieux lorsque nous passerons près d’eux. ».

Un léger bruit se fit entendre, comme un froissement de soie, et une étrange sensation de légèreté s’empara de Kardan. Puis tout redevint normal…sauf qu’il ne pouvait distinguer sa jeune compagne ! Portant les mains à hauteur du visage, il s’aperçut – si l’on peut dire – de leur disparition.

« -Suivez-moi .» chuchota Lysia – pourquoi chuchoter ? Sans doute le fait de ne pas voir celui à qui elle s’adressait la poussait à respecter le calme apparent qui lui faisait face.

Ils continuèrent donc leur route, tentant de chasser le désagréable sentiment d’anxiété causé par leur invisibilité mutuelle. En faisant le moins de bruit possible – le chemin, parsemé de brindilles, menaçait de révéler leur présence à chaque foulée des chevaux – ils arrivèrent enfin à la petite clairière où les attendaient de joyeux lurons : leur crâne était allongé et couvert d’un poil rougeâtre qui tranchait avec leur peau bleue, leurs bras garnis de doigts crochus traînaient jusqu’au sol et de longs crocs blancs jaillissaient de leurs larges bouches pourvues de lippes épaisses. Ils semblaient musclés et élancés, malgré la disproportion de leurs bras et leurs jambes – on aurait dit des singes – et tenaient d’inquiétants javelots dont la pointe de pierre semblait exactement faite pour causer de très douloureuses blessures. Que font ces trolls dans la forêt d’Elwynn ? se demanda Kardan. Et, ce faisant, retenant sa respiration, il passa à quelques mètres d’eux. Bien entendu, le cheval marcha sur une brindille.

Les baragouinements poussés par les trolls entendant ce bruit faillirent lui faire choisir la plus mauvaise solution : la fuite éperdue. Lorsqu’il se dit que les vastes oreilles pointues des trolls n’auraient aucun mal à détecter son emplacement et à le décorer d’un nouveau drapeau entre les omoplates, il préféra avancer pas à pas, bien sagement. Lysia semblait avoir – avait – disparu, et il ne put que continuer sa route jusqu’au moment où il redevint visible. La sorcière, qui réapparut peu après, était quelques pas devant lui. Elle lui adressa un sourire resplendissant, chose rare entre toute, et l’invita d’un signe de tête à poursuivre sa route. Silencieusement.

 

CHAPITRE 3 : La Forêt d'Elwynn (2).

 

Lorsque la forêt s‘éclaircit et les ombres mouvantes qui planaient toujours à la limite de leur champ de vision s’évaporèrent, les cavaliers se redressèrent sur leur selle – prenant conscience de la frayeur qu’ils avaient ressentie – et affectant un air plus détendu, commencèrent à évoquer l’étrange procession dont ils avaient été témoins.

« -Je pense que nous n’en croiseront pas d’autres ; aucun Troll ne devrait déjà s’approcher si près de new Stormwind.

-Le fait est, madame, que ces monstres se dirigeaient non pas en direction de la cité, mais vers l’est et les territoires Blackrocks. Je repense à ce que vous nous aviez dit au sujet de Faryan et de la Grande Horde, qui rassemblait Orcs, Trolls et Ogres sous la même bannière. D’abord les Ogres, puis à présent les Trolls convergent vers les territoires des Orcs…

-….vous pensez donc comme moi à une résurgence de cette alliance à l’encontre des intérêts humains, mais nous n’avons vu jusqu’ici qu’une troupe de Trolls des plus réduites !

-J’ai étudié durant mon apprentissage les tactiques de combat de tous les êtres vivants de ce côté-ci du Maëlstrom, et j’ai ainsi appris que les Trolls se sont fait un art du déplacement silencieux – par petits groupes – et du harcèlement. Croyez-moi, cette « troupe des plus réduites » présage une petite armée des plus…dangereuses.

-Ce qui est bien intéressant, mais ne répond pas à notre principale question : l’armée dont nous connaissons à présent l’existence se dirigera-t-elle vers le nord et les terres de Lordaeron…

-….ou attaquera-t-elle New Stormwind ? Je penche pour la deuxième solution : à présent que les Trolls ont rejoints les Orcs, ils sont à la merci d’une attaque humaine sur Stranglethorne qui les couperait de leurs bases arrière et anéantirait leur civilisation en quelques semaines. Jamais les humains n’ont pénétré ces forêts car les Trolls maîtrisent la guérilla et le poison – les pertes du côté de Stormwind seraient effroyables – mais à présent que les guerriers sont partis, rien e s’oppose à la victoire humaine.

-Tous les guerriers auraient-ils rejoint les Orcs ?

-Les Trolls sont peu nombreux, nonobstant leur relative tranquillité. Les Orcs ont besoin d’une infanterie légère, et seule la totalité des chasseurs de tête Trolls est à même de la constituer.

-De plus , » compléta Lysia , « les Orcs demanderont sans doute l’aide des magiciens Trolls.

-Ces êtres connaissent la magie ?

-« Les tactiques de combat de touts les êtres vivants de ce côté-ci du Maëlstrom » , hmmmm ? En effet, ils utilisent un système de communication avec les esprits de Ténèbres, un vaudou en fait. Ceux qui pratiquent cet art son communément appelés Sorciers-docteurs, bien que la traduction littérale du mot de leur langue qui les désigne soit « Chasseurs d’ombres ».

-L’assaut sera donc quasiment impossible à supporter.

-La défense sera moins ardue si les guerriers, les mages de la ville et surtout Lord Stormwind ont avertis de l’assaut imminent.

-Hmmmm… ».Le jeune chevalier semblait songeur, et ses yeux d’un bleu habituellement lumineux se ternissaient comme sous le faix d’une profonde contrariété. Lysia, habituée à détecter les changements d’humeur, s’apprêta à le questionner, mais la réponse vint avant.

« -Et si…et si nous nous trompions ? Si Stratholme était attaquée en première ? Ca paraît fou mais…les Orcs ne sont pas réputés pour leur bon sens, surtout pas les Blackrocks, et ils pourraient faire pression sur les Trolls. De plus, les Ogres n’ont pas de plus ardent désir que réduire Khaz Modan en poussière, et ils forment le cœur de la horde qui se forme dans les Terres Sauvages de l’est.

-Vos amis sont partis vers le Poste Frontière préparer le nord à cet éventuel assaut.

-Eux aussi sont en danger, sur le passage des Orcs…leur route était bien plus longue que la nôtre, et périlleuse aussi, car il reste des Blackrocks au sud du Modan. S’ils échouent et que new Stormwind tombe…

-La race humaine périra en Azeroth et Lordaeron.

-Et nous ne pourrons rien faire pour l’en empêcher ! ».

La main de Lysia se posa doucement sur l’avant-bras de Kardan.

« -Kardan…nous réussirons. S’il le faut vraiment, je sais que nous pourrons y arriver. Nous somme déjà parvenus jusqu’ici.

-Nous n’avions que nous-mêmes à sauver.

-Et si nous étions morts dans le village en ruines ? Cela n’aurait-il affecté que nous ? ». Silence.  « -Vous – Kardan – et moi-même sommes certainement avec Alron et le plus jeune les personnes les plus importantes du continent pour le moment. Toutes nos actions auront une répercussion, que nous les accomplissions ou que nous faillissions, et nous ne devrons jamais les ruminer. Sans quoi nous échouerons sans le moindre doute, car il faut que notre esprit soit résolu. »

Peu après, ils établirent leur campement dans une clairière ombragée – chose rare entre toutes dans cette impénétrable forêt. Lysia soupira d’aise en retirant ses vêtements couverts de crasse. L’hygiène n’était pas la priorité absolue en Azeroth – la survie occupait ce rang. Ils se nourrirent de bœuf séché qui ressemblait à s’y méprendre à un morceau de bois sec, burent de l’eau dont ils avaient emplis leurs gourdes dans un fleuve à la lisière de la forêt – la source d’un affluent de l’Union – qui, si elle n’était croupie, n’avait rien, mais alors absolument rien à voir avec les eaux fraîches et limpides de Khaz Modan. Ici tout était chaud, humide, gluant, même les  plantes, leurs vêtements se faisaient plus lourds de jour en jour : les contrées du sud, jungles et marécages, se rapprochaient. Après cet austère bivouac, Lysia s’allongea auprès du feu, tandis que Kardan prenait la première garde. Elle se prit à rêver de Dalaran, de l’Ecole de Magie où elle étudiait – et parfois enseignait -, des robes pourpres des mages et de la verdure qui entourait le bâtiment où siégeait le Kirin Tor. La ville détruite quinze ans auparavant avait perdu dans la reconstruction bien de son charme, mais c’était la maison qu’avait toujours connu Lysia. Pourrait-elle y revenir jamais ?

Le lendemain, ils reprirent leur route sur le sentier. La sorcière était de bonne humeur malgré les heures sombres que vivait son monde, et à en croire le visage du chevalier, celui-ci partageait ses sentiments. Nul ne savait quelles créatures demeuraient sous les frondaisons d’Elwynn…Se pouvait-il que quelque esprit bienveillant se soit penché sur leur sommeil trouble et l’ait nettoyé de ses impuretés ? Peu lui importait, à présent, car elle venait de distinguer, plus haut que le plus haut cryptomeria, au-dessus des vénérables arbres qui s’espaçaient au fur et à mesure de leur avancée, une flèche de marbre bleuté qui narguait les puissances millénaires de la forêt en s’élançant vers le ciel avec insolence. Une heure plus tard, ils parvinrent devant une petite plaine mamelonnée, au milieu de laquelle dressait New Stormwind.

 

CHAPITRE 4 : La Longue Marche

                     

Le soleil matinal balayait d’une ombre de chaleur déjà brûlante, mais pas aussi étouffante que la moiteur de midi, lorsque Felian s’éveilla. Le Choucas n’était déjà plus là : le matin, on le voyait souvent revenir avec une petite pièce de gibier, un litre d’eau serré dans une vieille outre en cuir…lorsqu’on était réveillé assez tôt. L’elfe s’émerveilla encore une fois des fantastiques capacités physiques de son compagnon – qui ne dormait que deux ou trois heures par nuit – puis tourna son regard vers la plaque de sable lisse où Ghanâk, Commandant de la Citadelle de Stonetalon, s’éveillait lentement d’un sommeil souvent douloureux, avec force grognements. Soigné par les deux elfes, il les conduisait vers la ville orientale de Durotar. Les activités nocturne du Chasseur de démons permettaient de subvenir à ses besoin. La méfiance régnait de part et d’autre : aucune autre information que celles données précédemment n’avait été échangée, et seule cette voix intérieure qui le suivait depuis le Conseil d’Ashenvale et le pondérait à chaque instant l’empêchait de se planter bien en face de l’Orc pour lui demander ses quatre vérités…ainsi que cette hache inquiétante dont même les demandes du Choucas n’avaient pu le priver. Mais ils avaient besoin de lui, et en tant que tel le laissaient imposer quelques conditions.

Ce fut le grognement qui l’interpella. Se retournant brusquement, il n’eut que le temps de distinguer un nuage de poussière lorsqu’une demi-douzaine de centaures débarquèrent avec pertes et fracas au milieu du camp. Maudissant sa négligence – et ne pouvant pas deviner que les centaures pouvaient se rendre sur le sable pratiquement invisibles et silencieux – il roula de côté pour éviter la flèche qui passa à quelques pouces de son flanc. Ce faisant, il aperçut l’éminence rocheuse, qui se confondait avec le paysage de sable : c’était de derrière cette longue bande de roc que les hommes-chevaux avaient jailli. L’Orc se réveilla aussitôt, brandissant sa hache : un guerrier fatigué reste un guerrier…et lorsqu’il s’agit d’un chef Orc de deux mètres de haut armé d’une hache digne d’un Tauren, le maraudeur centaure devient tout de suite plus…prudent. D’autres flèches jaillirent, esquivées tout aussi facilement par Felian. Assurant sa prise sur les deux longs poignards qui étaient ses armes favorites, il fit une magnifique roulade qui s’acheva en un bond l’amenant juste sous les garrot du premier centaure, celui qui l’avait d’abord prit pour cible : le pillard s’effondra, la gorge tranchée.

« -Six ! » cria l’elfe, et Ghanâk hocha la tête. Sa hache virevolta, para un coup violent porté par l’espèce de pique que maniaient trois des six centaures, et trancha les deux pattes du monstre avec un mouvement courbe et fluide, qui ne manquait pas de grâce. Puis il abattit un des archers, le pourfendant au niveau de l’échine. Il se porta ensuite au secours de Felian, qu’un de leurs ennemis tenait à distance de sa lance. Ladite lance vola au lin, accompagnée de la main qui la brandissait, et quelques secondes plus tard son propriétaire gisait au sol, un poignard profondément enfoncé dans le cœur. Les deux survivants s’enfuirent sur la plaine sans demander leur reste. Felian se laissa tomber par terre.

« -Ils vont ramener tout leur clan et nul ne peut distancer ces démons sur la plaine…nous sommes morts.

-Non » fit Ghanâk.

« -Comment cela ?

-Là-bas », fit laconiquement le grand Orc. Et les yeux perçants de Felian purent distinguer une forme sombre apparue dans le désert, qui passait à proximité des centaures en courant à toute allure. Dans un bel ensemble, les fuyards tombèrent et ne se relevèrent plus, fauchés par les deux lames du Choucas.

Lorsque le Chasseur de démons arriva au camp, Felian nettoyait consciencieusement son arme. Son compagnon entra en coup de vent  et se précipita dans une direction vers laquelle les yeux de Felian ne s’étaient pas encore tournés.

Les réserves d’eau.

L’outre percée d’un trou, percée de la première flèche tirée par les centaures.

Et l’eau, ou plutôt l’absence d’eau, bue par le désert et la chaleur.

Nul ne parla. Il n’y avait rien à dire…et ils devaient économiser leur salive.

L’enfer commença.

Terre de feu, de sang et de soleil… . Terre que les dieux ont créée aride et invivable, et qui abrite cependant des cultures parmi les plus anciennes… . Terre où le manque d’eau est mortel, où seuls s’aventurent les fous, terre de guerres incessantes entre les deux grands peuples du désert, Taurens et centaures, terre à présent dominée par ces êtres issus d’un autre univers, les Orcs, terre où trois êtres mortels affrontaient la chaleur du midi et la colère d’anciens dieux chtoniens aux noms oubliés.

Depuis que ses pieds chaussés de cuir foulaient le sol poussiéreux des Barrens, Felian ne s’était jamais senti si près de la mort. Même au cœur de la citadelle désormais maudite de Stonetalon, il n’avait pas senti ce détachement profond, cette sensation d’une perte irrattrapable… Les elfes de la nuit vénèrent  la vie : jamais ils ne voient dans son achèvement la fin de leurs tourments ou le début d’un voyage – ce n’est qu’un passage vers une sphère d’existence plus élevée. Or, la magie même des elfes est fondée sur l’attachement à l’existence concrète, à l’être et non au sur-être. Et c’est pour cela que le gosier desséché de Felian résistait encore vaillamment, afin de ne pas forcer son propriétaire à choir sur le sol sans jamais se relever. A ses côtés, le Chasseur de démons et Ghanâk ne semblaient pas faiblir et s’étioler autant que lui, mais leurs pas devenaient de plus en plus lents, et le jeune guerrier elfe savait qu’ils ne tiendraient pas beaucoup plus longtemps que lui. Sur les brefs conseils de l’Orc, le groupe avait obliqué vers l’ouest pour se diriger vers les terres Razormanes – le pays des hommes-cochons – où, disait-il, se trouvaient des puits, creusés à l’intérieur des villages…villages qui n’étaient jamais gardés par plus de quatre gardes. Cependant, Felian doutait à présent pouvoir en affronter un seul. Et il était impossible, selon le chef Orc, de parvenir à Durotar avec de si faibles réserves d’eau. Aucun village n’avait été aperçu durant trois jours, et aujourd’hui retourner sur leurs pas équivaudrai sans le moindre doute à une condamnation à mort. Ils marchaient donc, de plus en plus lentement, sans espoir, et ils marchaient encore lorsque parvint à leurs narines une odeur étrange…que Felian fut le premier à identifier.

« -Fumée », fit-il, et sa voix rauque et mourante le surprit.  « -Mauvais feu...mauvais combustible… ». Il fut forcé de s’arrêter, la gorge totalement desséchée, menacé de déshydratation. Ils continuèrent à se traîner, en direction de la source de la fumée. Plusieurs heures leurs furent nécessaires afin de franchir une distance qui, autrefois, ne leur en aurai demandé qu’une. Lorsqu’ils distinguèrent enfin les huttes de bois sec Quilboars, ils étaient au bord du gouffre qui sépare vie et mort, et pourtant plus déterminés que jamais. Leurs étranges bêtes d’élevage, les « cochons du désert » - qui leur ressemblaient d’ailleurs – reniflaient parmi les poussières. Pas un bruit : les mâles chassaient, les femelles restaient cloîtrés dans la fraîcheur de leurs huttes avec les plus jeunes, qui mouraient plus souvent d’insolation que de faim. Une fumée s’élevait effectivement de quelques huttes, et surtout, au milieu du village se distinguait une ébauche de trou, une fosse, une bauge, mais si rudimentaire qu’elle puisse être, elle contenait, sans le moindre doute, de l’eau… . leur survie était à portée de main. Retrouvant tous leurs instincts malgré leur état d’épuisement avancé, ils s’approchèrent prudemment, surveillant l’arrivée d’éventuels gardes. 

 

CHAPITRE 5 : L’attaque du camp Quilboar.

 

Ghanâk tenta d’étouffer le sifflement rauque qui jaillissait de sa bouche, encombrée par une langue gonflée et des lèvres craquelées. Se traînant plus qu’il ne rampait, l’Orc se dirigea vers l’une des entrées du village – une ouverture dans un rempart de boue séchée. Il fallait vraiment craindre les attaques pour gâcher de la précieuse eau à ériger un maigre rempart, se dit-il tout d’abord. Puis il pensa à la rage des centaures, à leurs arcs mortels, au danger qu’ils devaient représenter pour les Razormanes – que les elfes appelaient plutôt Quilboars. Leurs ancêtres, qui devaient sans doute ressembler aux porcs qui grognaient dans la poussière, étaient déjà les proies des hybrides de singe et de cheval préhistoriques qui traversaient la plaine du supercontinent, lorsqu’elle était encore verte et grasse. Avec le temps, leurs descendant à tous s’étaient adaptés au désert, sans établir pour autant une réelle signification : nations dont l’existence se partageait entre guerre, chasse et mise au monde, ils avaient encore un comportement social animalier et l’art, la science qu’ils auraient pu développer avait sombré dans les abîmes de la barbarie – pour toujours.

L e Choucas le suivait, prêt à mettre en exécution un plan on ne peut plus simple : tandis qu’ils distrairaient et abattraient les éventuels gardes, Felian devait se glisser jusqu’au puit central et remplir les outres d’eau. La suite…dépendrait  du bon vouloir des esprits de la nature. Et de la chance. Heureusement, aucune sentinelle ne semblait en vue, et la palissade n’était pas plus haute qu’un enfant en son point le plus élevé. Dissimulé derrière cette providentielle éminence, ils se reposèrent un moment avant de partir à l’assaut. Une faible lumière leur parvint, d’un point non éloigné : Felian était en position et, comme convenu, reflétait les rayons du soleil sur une de ses lames. En son for intérieur, le Chasseur de démons, pourtant rarement sujet à des accès de mélancolie, songea qu’il devait avant tout permettre à ses deux compagnons de s’échapper avec de l’eau : Felian était l’ambassadeur, Ghanâk le garant de sa sécurité à Durotar… . Cependant, mû par un étrange instinct – ce même instinct qui lui avait révélé que Felian  était plus que ce qu’il ne paraissait – il décida que tous devaient d’en sortir.

« -Lumière . » chuchota l’Orc.

« -On peut y aller. Moi devant. Je m’occupe des tireurs.

-Entendu. ».

Avec un grand cri de guerre, le Choucas pénétra dans le camp. Aussitôt, comme il l’avait prévu, une bonne douzaine d’hommes-cochons armés de lances et d’étranges masses d’armes se ruèrent à leur rencontre, l’écume aux lèvres. Evitant un groin armé de puissantes défenses, le Chasseur de démons éventra d’un mouvement souple le premier guerrier apparu. Avec un grognement abject, le Quilboar tomba à genoux, serrant ses entrailles. Il resta planté là quelques secondes, puis ses yeux se révulsèrent et il mourut. Un autre cri retentit : à son tour, Ghanâk entra dans le camp et fit face aux premiers rangs de Quilboars, alors qu’un saut prodigieux amenait son compagnon au niveau des chasseurs armés de lance. Les deux lames entrèrent à nouveau en action, tranchant membres et têtes, éclaboussant les huttes environnantes de perles vermillonnes. Le chef Orc ne déméritait pas de la réputation de puissance des guerriers de sa race : ses longs bras musclés, la petitesse des Quilboars – plus petits que des humains - , tout concordait à abattre deux ennemis à chaque fauchage de la hache. A peine une minute après le début de l’engagement, trois Razormanes gisaient au sol, morts ou mourant, et deux autres étaient figés, hébétés, un bras ou une jambe ruisselant de sang devant eux. Les deux guerriers, eux, souffraient de petites égratignures. Les deux camps se regardèrent en chien de faïence pendant quelques secondes, et avec un grand hurlement de part et d’autres, la bataille reprit. Dans les huttes, des grognements plus aigus, sans doute des pleurs de…jeunes (Ghanâk ne pouvait se résoudre à les appeler enfants ; c’était le même genre de complexe de supériorité que celui des humains par rapport aux orcs) ajoutaient au vacarme. Si Felian était aussi discret qu’habituellement, il n’aurait aucun mal à passer inaperçu. Mais déjà, les attaques se faisaient plus pressantes, et le nombre de leurs ennemis augmentait.

Felian rampa avec circonspection à l’intérieur du camp Razormane, tentant d’oublier la douleur que la soif et l’effort imposaient à son corps. Traînant deux outres de cuir soigneusement bouchées pour empêcher le sable de pénétrer, il s’approcha du puit, tandis qu’augmentait le raffut causé par ses deux compagnons. Bon, le boucan va empêcher les Quilboars de se concentrer sur le puit. Néanmoins, près du rudimentaire trou creusé à même le sol et qui était le trésor de cette région abandonnée des Dieux, se tenait encore un garde, au regard absolument dénué d’intelligence, mais qui n’en fixait pas moins l’horizon pour empêcher quiconque de s’approcher du puit. Malheureusement, il tournait actuellement le dos à Felian – surveillant plutôt l’Orc et l’elfe qui débitaient tous les mâles en âge de se battre – et faisait une cible facile pour le couteau parfaitement équilibré du jeune guerrier. Avec un crissement atroce, la lame pénétra profondément dans la nuque porcine, s’enfonçant de plusieurs pouces dans le cerveau. Le Quilboar ne sut jamais qu’il allait mourir, et tomba comme une masse. Frissonnant de dégoût devant la violence de ce meurtre, Felian songea combien l’instinct de survie pouvait prendre le pas sur la conscience…tout en courant à toute vitesse vers le corps. L’étrange voix intérieure qui le suivait depuis le Conseil d’Ashenvale – celle-là même qui l’avait conseillé à Stonetalon – lui enjoignit de reprendre ses esprits. L’apparence bestiale de sa victime le déconcerta un moment, puis il se souvint de son objectif et, saisissant la première outre, la plongea dans le puit jusqu’au goulot. Il but également une gorgé lui-même. Avec un gargouillement étrangement répugnant, le liquide bienfaisant se rua dans l’orifice.

Et les armes s’abattaient, et les Quilboars mouraient, et le Choucas et Ghanâk peinaient à contenir la quinzaine d’ennemis qui se ruaient à présent sur eux. Percés de blessures dues tant aux défenses jaunâtres qu’aux lances de bois acérées des hommes-porcs, couverts des pieds à la tête d’hématomes jaunes et bleus, marques des masses d’armes que maniaient leurs ennemis les plus forts, ils se transformaient petit à petit en automates, frappant sans trêve, faisant jaillir des geysers de sang, sentant petit à petit la mort approcher. La lame du Choucas éventrait les chasseurs , car les deux combattants étaient des cibles bien trop faciles : le Chasseur de démons avait au bas mot une tête de plus que le plus grand Quilboar, et l’Orc était encore plus grand.

Alors, sur le point de céder face à la masse de ses ennemis, Ghanâk se souvint des créatures mort-vivantes de l’En-Dessous, de ces monstres innombrables sans noms qui jaillissaient de chaque coin des cavernes, et il se souvint de la folie furieuse qui l’avait pris lorsqu’il s’était vu dépassé….

…………. La folie sanguinaire, la force du berseker……………

Et alors il poussa un hurlement de rage et de douleur, mêlés, un hurlement de mort, un cri qui venait du plus profond des entrailles et le ramenait à l’état de bête, à l’époque où une race de mammifères supérieurs et sanguinaires s’était approprié le contrôle de Draenor, déchirant tous ses adversaires dans un tourbillon de sang et d’horreur. Et au milieu de ce pandémonium infernal, il comprit. Comprit que cette folie n’était autrement révélée que par la certitude d’une mort prochaine, et que loin d’élever l’Orc à un stade supérieur, à  la taille du Guerrier Invincible, elle le ramenait au stade le plus primitif, lorsque l’espérance de vie se confondait avec la force physique et la rage de tuer.

Soudain, une autre cri, plus bref, retentit : Felian avait puisé toute l’eau qu’il pouvait. Surpris, les Razormanes se retournèrent et se ruèrent vers cet étranger qui leur volait de l’eau. Fatale erreur que de tourner le dos à l’ennemi : fauchés par la lame et la hache, deux d’entre eux tombèrent morts. Ils restèrent un moment indécis, et ce flottement fut fatal à deux autres hommes-cochons. Profitant de la division qui régnait alors dans leurs rangs, le Choucas et le chef Orc se ruèrent vers le jeune elfe qui devait à présent traîner deux récipients pleins et malgré leur extrême faiblesse, s’emparèrent des outres, sautèrent le mur de boue et prirent la fuite sous le soleil ardent, buvant à grandes goulées, euphoriques d’avoir sauvées leurs vies et tentant de reproduire à nouveau cet exploit, poursuivis par les vociférations des Quilboars.

 

2nd Partie : Chapitre 06 à 10<<
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